Participez à cette campagne de financement qui nous permettera de finir de réaliser ce webdocumentaire dédié à Francis Collomp, ex-otage au Nigéria, et plus largement à l'ensemble des victimes du terrorisme. Videos, témoignages, documents inédits.... Plongez-vous dans le quotidien de cet oublié de la république.

INTRODUCTION:

18 novembre 2013. Débarqué sur le parvis de l’aéroport de Villacoublay, c’est par une foule de journalistes que Francis Collomp est accueilli. Retenu en otage par le groupe Islamiste Ansaru au Nord du Nigeria depuis décembre 2012, il réussit l’exploit, après onze mois de séquestration, d’échapper à ses ravisseurs à l’âge de 63 ans. Son arrivée en France était très attendue. Une effervescence médiatique compréhensible mais brutale, qui marque le début d’une nouvelle ère dans la vie de Francis Collomp, sous une nouvelle identité : « Ex-otage »

Certains d’entre eux font le choix d’écrire pour exorciser l’horreur qu’ils ont eue à supporter, d’autres s’investissent dans des actions de soutien aux familles de victimes, et enfin il y a ceux qui s’isolent pour ne plus avoir à en parler. Il n’y a pas de règle à la gestion de cette souffrance. Francis, lui, a fait le choix d’écrire mais aussi de se confier à nous à travers ce web documentaire, pour témoigner de ses tentatives d’un retour à la ‘vie normale’.

Sur ces trois années à accompagner Francis, on se souvient de l’euphorie des premiers instants de sa libération, des retrouvailles avec ses proches, de l’hypermédiatisation parfois assommante, de ses difficultés administratives, de ses nuits d’insomnie et de ses réactions liées au stress post traumatique généré par de terribles actualités (enlèvement d’Hervé Gourdel, attentats de Paris, puis de Nice). Tous ces souvenirs sont exposés dans ce web documentaire pour témoigner de la valeur de la liberté, des failles qui existent aujourd’hui dans le système français de gestion des victimes de terrorisme dont les ex-otages font partie, mais aussi pour rendre hommage aux personnes qui œuvrent aujourd’hui pour une reconnaissance juridique des otages, et pour que plus jamais une victime de terrorisme ne tombe dans l’oubli.

SOUVENIR DU PREMIER JOUR DE TOURNAGE...

Le premier jour d’entrevue avec Francis introduit parfaitement l’idée de faire un film sur lui, sa vie, sa prise d’otage, sa détention, son évasion et son parcours de reconstruction.

Mars 2014. Francis semble avoir repris des forces depuis sa libération il y a de cela 5 mois. Il m’a sollicitée quelques jours plus tôt pour filmer les retrouvailles avec les nigérians avec qui il travaillait avant de se faire enlever le 19 décembre 2012.

Il est environ 9 heures du matin et Francis a décidé pour cette première journée de retrouvailles, de faire découvrir Paris aux Nigérians en commençant par une pause café au Délizy, son QG à Pantin. Nous sommes accueillis par Alain, que Francis prénomme « Chre », tout de cuir vêtu. Au dessus du bar, quelques photos de famille avec, au milieu, celle de Johnny Hallyday. De grandes fresques d’indiens d’Amérique partout sur les murs, des effluves d’alcool et de cigarette, le lieu est pour le moins inattendu pour une journée touristique à Paris: "C’est ici ma thérapie, c’est ici que je me sociabilise à nouveau, que j’échange avec les gens, que je retrouve les discussions qui m’ont manqué quand j’étais enfermé. Vous savez, parler à quatre murs c’est vite lassant".

Francis nous évoque alors les images, suggère les sensations d’une journée très spéciale, celle de son évasion. La précision des détails de chaque minute de ce 16 novembre 2013 est surprenante. C’est poignant, terrifiant. Il capte admirablement notre attention, l’émotion est forte. Nous sommes une dizaine, suspendus à ses mots, l’équipe de tournage, les Nigérians et les quelques clients du bar qui assistent à l’interview. Deux des nigérians interviennent à la fin du témoignage de Francis : « Malgré la terrible aventure de « papa » (c’est comme cela qu’ils appellent Francis), le Nigeria est un pays magnifique et accueillant, et ce type d’exaction est très rare dans notre région ». Francis soutient leur propos. Il regrette presque de ne plus pouvoir aujourd’hui retourner là bas pour finir le chantier inopinément interrompu par son enlèvement. En effet, son visage s’illumine lorsqu’il évoque l’Afrique, entre routine et aventure. Être envoyé en mission sur ce continent qu’il connaît si bien, a toujours été pour lui une bénédiction. Il a su s’adapter, dans son parcours d’expatrié, aux us et coutumes de chacun des pays où il a travaillé, surmontant sans problèmes chaque challenge professionnel.

Finalement, l’adaptation la plus difficile reste celle de son retour en France. Il s’y sent comme un étranger et nous explique les difficultés du réapprentissage des codes de la vie française. Et, s’il jubile à l’idée d’avoir mis à mal un groupement terroriste dont il est le seul à avoir survécu à leurs exactions cruelles, il peine à expliquer le mal être profond qui l’accable depuis sa libération. Cependant, pour lui, pas question de parler de séquelles. "Je ne suis pas marqué, je ne me sens pas atteint psychologiquement, j’ai l’impression même que je m’en sors plutôt bien". Les quelques coups durs sont souvent liés à l’actualité : la décapitation d’un otage, les jeunes filles enlevées au Nigeria, il suit l’actualité et tout le révolte.

Il suffit d’une image, celle d’un otage à la télévision, d’une parole, d’un mot, et les souvenirs reviennent. "Je ne fais pas de cauchemar, c’est plus sous forme de flashs. Des flashs de scènes, de moments précis que j’ai vécu en captivité et qui réapparaissent d’un coup. Heureusement, ça ne dure pas." Non, si la réadaptation en France est si difficile, c’est qu’à son retour on lui a promis des choses et que tout ne se passe pas comme prévu, que les soucis administratifs qu’il a eu à surmonter n’avaient pas lieu d’être et qu’avec son état de santé, encore si « fragile », c’est difficile à gérer.

Malgré le lieu, ce discours n’avait rien d’une discussion de comptoir, je me sentais proche de lui. J’avais envie de l’aider et de lui dire, tout va bien « tu es libre… ne t’en fais plus ». Mais cet homme désabusé ne sait plus entendre ce genre de discours. Il faut donc passer à l’action. Et la meilleure action, c’est de témoigner. Comment un homme aussi téméraire, qui a su s’échapper des mains du groupe islamiste Ansaru, peut-il se retrouver dans un tel désarroi ? Comment après une telle médiatisation peut-il aujourd’hui tomber à ce point dans l’oubli ?

Il est touchant de sincérité et d’humanité, touchant parce que même en évoquant ses geôliers, on sent qu’il a une forme de pitié pour eux. Pas de haine, de la pitié. Ses petits plaisirs simples de la vie font de lui quelqu’un en qui l’on peut s’identifier. Aux libérations d’otages on dénonce souvent le rançonnage à la française, ce qui rend l’histoire de Francis d’autant plus extraordinaire.

En une journée, le film était une évidence.