Un roman historique, à partir de 14 ans.

En 1869, Arthur Rimbaud a 15 ans et l'émir Abd el-Kader 61.
Cette année-là, le collégien ardennais obtient le premier prix du concours de latin de l'académie de Douai sur le thème "Jugurtha". À travers la figure du héros numide vaincu par Rome, Arthur rend un hommage explicite au chef algérien Abd el-Kader qui,une trentaine d'années plus tôt, lutta héroïquement contre l'invasion de son pays par la France.

Le lecteur marche sur les pas d’Arthur Rimbaud qui, du grenier de la ferme de Roche dans les Ardennes à la plaine de Ghriss en Algérie, part à la découverte de l’émir Abd el-Kader, figure devenue légendaire de son vivant. C’est aussi la quête d’un père absent, officier de l'armée française au temps de la conquête de l’Algérie.
Entre rêve et réalité, des Ardennes à la province d'Oran, des paysages, des personnages se croisent, des émotions se mêlent pour composer une fable sur la fraternité.

Préface de David Diop, prix Goncourt des lycéens 2018 :
"Les deux auteurs de La plume de Taïr, du nom dont ils baptisent le faucon de chasse de l’Émir, ont compris que la littérature réussit là où trop souvent l’Histoire échoue à unir les hommes. Par la magie de leur jolie plume humaniste, Ahmed et Frédéric ouvrent la voie à un rapprochement des mémoires algérienne et française."

La plume de Taïr, une vie d'Abd el-Kader par Rimbaud. Par Ahmed Bouyerdene et Frédéric Magnan
192 pages, format 15X21.
Illustration de couverture : Eléonore Ampuy

EXTRAITS :

La bonne nouvelle (la Guetna, Algérie, 1808)
D’un pas sûr et léger, la mule avance dans la nuit. La poussière, les pierres sur le chemin escarpé n’entravent pas son entrain, bien au contraire. Depuis plusieurs jours déjà, l’animal sentait et partageait l’impatience de Laredj, son maître, à vouloir prendre la route. Mais aujourd’hui, en fin d’après-midi, à l’heure où le soleil s’apaise, l’homme s’est avancé vers elle, il a posé sur son dos une natte, passé à son cou un simple licol. « Va, ferme sur tes pattes, a dit Laredj en caressant le chanfrein de sa mule, l’épouse de mon ami Mahiedine va très bientôt mettre au monde leur enfant. »
L’homme a préféré voyager de nuit pour profiter de la fraîcheur et du clair de lune qui facilite la progression. Il a toujours aimé les marches nocturnes, lorsque le silence règne sur les monts et les vallées, ce moment où les étoiles envahissent le ciel comme un parterre de fleurs sauvages se déroulant à l’infini.
Après cinq heures de route, il atteint les hauteurs de la Guetna de l’oued Al-Hammam, un village bâti autour de la zaouïa : à la fois école où l’on apprend à lire, à mémoriser le Livre saint et à étudier la vie des prophètes, mais aussi refuge pour les mendiants et les malades, assurés d’y trouver sécurité et hospitalité. Mahiedine, son ami, a créé cette zaouïa il y a quelques années sur le site de la Guetna. Autrefois réunion de quelques tentes, le village est aujourd’hui peuplé d’une centaine d’habitants. Laredj pose pied à terre : il veut attendre le lever du soleil pour se présenter à ses hôtes. Après avoir attaché sa monture à un petit arbuste, il étend sa natte sur le sol et ramasse une pierre lisse en guise d’oreiller. Malgré la fatigue du voyage, il ne trouve pas le sommeil. Ses yeux fixent l’astre lunaire qui semble particulièrement brillant cette nuit-là, tandis que dans le firmament se dessine la silhouette d’un rapace. Laredj reconnaît « le faucon gris » qui l’a si souvent visité dans ses rêves (...).

Un grand jour (Charleville, Ardennes, France, 2 juillet 1869).
« Réveille-toi ! Debout ! »
Encore tout engourdi de sommeil, les yeux clos, Arthur se raccroche aux dernières images de son rêve. Des images imprécises : une lumière éblouissante, comme un soleil de feu, un village de torchis et de tentes, des murs blancs, et là, un dôme, et puis un oiseau très haut dans le ciel, qui tourne. Mais déjà les visions, les sensations s’effacent à une vitesse fulgurante, comme aspirées loin en arrière dans son esprit.
« Allons, il est l’heure ! » Arthur se redresse enfin, se frotte les yeux. Sa mère écarte les rideaux de la chambre, sans pitié pour le frère aîné d’Arthur, Frédéric, qui dort dans le lit voisin et se retourne en grognant. Les reflets du soleil rebondissent sur la maison de l’autre côté de l’étroite cour pavée, ils finissent de ramener le jeune garçon à la réalité. Mais sa mère l’y aide aussi : « Dépêche-toi ! Tu dois être au collège avant 6 heures ! » Si tôt, au collège, ce 2 juillet… Ce n’est pas encore les vacances pour Arthur Rimbaud ! Bien au contraire, c’est le jour tant attendu par Madame Rimbaud, qui espère voir briller son fils une nouvelle fois : c’est aujourd’hui en effet qu’a lieu le concours de composition latine organisé par l’académie de Douai. À 6 heures ce matin, tous les participants réunis dans la salle d’étude découvriront le sujet sur lequel ils devront composer un poème dans la langue de Virgile. Ils auront six heures pour compter et recompter leurs hexamètres, s’assurer qu’ils n’ont pas confondu un spondée avec un dactyle, car les professeurs ne plaisantent pas avec les figures de style. À midi, il faudra rendre sa copie (...).