L’Histoire

Lune Rouge est un Moyen Métrage de 52 minutes qui se déroule en 1964, dans un village Français.

Nicolas, jeune leader de la bande des Lions, sort de prison après avoir arraché l’œil du chef des Vautours, bande rivale sévissant dans la même ville. De retour, il découvre que le gang ennemi a trouvé un nouveau caïd : Jean Allouche.

Lui et sa famille Pied-Noir sont arrivés récemment en France et ont des difficultés à s’adapter. Leur venue est mal accueillie par les habitants qui les considèrent comme des intrus. De plus, le passé trouble de Jean et de son père Henri dans l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) n’arrangent pas les choses.

Nicolas tombe amoureux de la sœur du nouveau chef des Vautours, Cassandra, une jeune femme aveugle et mystérieuse. Leur relation va alors mener les deux bandes vers un conflit irréversible, une spirale belligérante où les préjugés et le romantisme vont s’affronter.

Un Sous-Texte Historique en Filigrane

Le cadre de l’Histoire est installé en 1964, soit deux ans après l’arrivée des Pieds-Noirs en France. Ces français d’origine européenne quittent l’Algérie qui devient indépendante après la victoire du FLN (Front de Libération Nationale). Ce parti a combattu l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète), mouvement clandestin qui tentait de garder l’Algérie Française. C’est une véritable guérilla urbaine qui s’est déroulée dans les dernières années jusqu’aux accords d’Evian en 1962. Un conflit très lourd et violent qui a laissé beaucoup de victimes et de traumatismes.

Rapatriement des Pieds-Noirs en 1962

Pourtant, cette page de l’histoire reste méconnue et n’occupe guère plus qu’un chapitre dans les cours d’Histoire. La France a en effet beaucoup de mal à se réconcilier avec son passé colonial, qui trouve une résonnance particulière dans l’actualité aujourd’hui. La question de l’identité, du territoire, est ainsi au cœur de Lune Rouge.

Tout d’abord par le prisme des Lions et des Vautours qui combattent pour un seul et même lieu, mais aussi par les origines Pieds-Noirs de la famille Allouche. Déracinés de leur Algérie Natale, ils arrivent dans une France qu’ils ne connaissent pas et qui les rejette socialement. Ils sont catégorisés comme des colons souvent de classe bourgeoise, alors que la majorité était issue de la classe moyenne.

Le film s’intéresse donc aux racines identitaires et traite de la thématique de l’appartenance, en évitant les clichés trop souvent de mise pour ce chapitre historique, afin de nuancer un propos à la symbolique forte et passionnante.

Les sixties sont aussi une période colorée en France, une époque où l’insouciance régnait chez les jeunes. Les rapports sociaux étaient très différents en matière de communication, sans téléphones portables ou ordinateurs. La notion de « bandes » était exaltée par une culture rock’n’roll et ses codes vestimentaires et motorisés.

Un groupe de jeune rockers

Une Galerie de Personnages hauts en couleur

Les Lions :

Nicolas (interprété par Duncan Talhouet) : :

A la tête de la bande, le jeune homme tente de reprendre le contrôle de sa ville. Introverti et changé depuis son séjour en prison, il est tiraillé entre ses amis et son attirance envers Cassandra.

Eddie (interprété par Maxime Picot) :

Bras droit imposant de Nicolas, Eddie est le boute-en-train du groupe. Cependant, il peut, en une fraction de seconde, basculer vers un état de violence animale.

Michel (interprété par Kevin Kister):

Inséparable d’Eddie, Michel est plus tempéré que son confrère. Il est plus obsédé par la nourriture que par les filles ou la bagarre. Néanmoins, il reste très loyal envers les gens qu’il aime.

Françoise (incarnée par Marine Nogue):

Amoureuse de Nicolas depuis des années, elle attendait avec impatience sa sortie de prison. Hélas, le leader des Lions ne voit en elle rien d’autre qu’une amie, malgré leur passé ambigu.

Les Vautours :

Jean Allouche (interprété par Paul Garcia) :

Nouveau Caïd du gang, Jean est d’apparence calme. Il a fait partie de l’OAS et a donc assassiné une dizaines de personnes. Il reste sous le joug familial avec un père très présent.

Le Borgne : Surnom donné à l’ancien leader des Vautours, dont l’œil a été arraché par Nicolas pendant une rixe. Depuis, il n’est que l’ombre de lui-même et n’existe qu’au travers de son frère Patrick.

Patrick (interprété par Baptiste Garga):

Frère cadet du Borgne, il voit en Cassandra une conquête difficile, un défi qui lui permettrait de gravir les échelons de la hiérarchie. Il voit le retour de Nicolas d’un mauvais œil.

La Famille Allouche :

Henri (interprété par Yves Degara) :

Ancien membre de l’OAS, le père de famille vit mal son arrivée en France. Il tente de s’intégrer malgré les frasques de son fils. L’Algérie reste sa terre natale et il éprouve des difficultés à laisser le passé derrière lui.

Anne ( interprétée par Gwenaelle Deram) :

Femme d’Henri, Anne s’est enfermée dans un mutisme révélateur de son incapacité à s’adapter à ce pays qui n’est pas le sien. En outre, elle voue une affection sans pareil à sa fille Cassandra.

Cassandra (interprétée par Lisa Choron) :

Aveugle de naissance, Cassandra porte toujours une paire de lunettes. Elle se protège ainsi du regard et de la curiosité des autres. Cette manière de se préserver passe aussi par un cynisme hors-pair qui vise à attaquer avant de l’être. Elle rencontre alors Nicolas qui va bouleverser le monde des ténèbres dans lequel elle se conforte.

Une Comédie Dramatique Stylisée

Si Lune Rouge peut à première vue se présenter comme une relecture du mythe Shakespearien de Roméo et Juliette, il diffère profondément du West Side Story de Robert Wise qui reprenait déjà les enjeux du dramaturge britannique.

Le court-métrage s’axe sur les deux gangs ennemis mais nuance les deux parties avec pour fond historique l’Algérie. Pas de manichéisme ici, les deux groupes ont leur torts et sont capables du pire. Le film sera filmé avec un appareil Canon 5D Mk II, utilisé déjà par Quentin Dupieux pour Rubber ou encore par Jean-Luc Godard avec Film Socialisme. L’esthétique apportée par ce boîtier reflex va permettre d’apporter un côté réaliste à l’image contredit par un éclairage fantasmagorique.

La photographie tendra vers le romantisme baroque qui va créer une atmosphère onirique. En références, on pense au travail de Donald McAlpine (Moulin Rouge), les nuances criardes de Luciano Tovoli (Suspiria) ou les contrastes chauds/froids de Larry Smith (Only God Forgives).

Moulin Rouge

Suspiria

Only God Forgives

Un parti-pris sur la dimension historique, trop souvent traitée de manière sobre, avec une image délavée. Il s’agit ici de retranscrire une époque, non pas comme une archive, mais comme une aventure poétique vivante, une claque visuelle qui sublime efficacement un récit sans concessions.