"Le Silence de la Mer" est l'un des deux films de fin de cursus porté par les élèves de Ciné Sup, classe préparatoire aux grandes écoles de cinéma (Louis Lumière, la Fémis, etc.) Il s'agit d'une adaptation de la nouvelle de Vercors datant de 1942.

Le scénario a été choisi et étudié par des professionnels du cinéma, par Laurence Ferreira Barbosa notamment, réalisatrice et scénariste de "Les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel" sorti en 1993 et de "Tous les rêves du monde" (2017).

Mathilde portera elle-même le projet à la réalisation, une adaptation de Vercors.

France, 1940. Un vieil homme et sa nièce sont contraints d’accueillir un officier allemand dans leur maison de bord de mer. Face à l'envahisseur, les deux français s'enferment dans un mutisme indifférent, acte de résistance passif. De son côté, Werner von Ebrennac, amoureux de la France, est convaincu que la guerre s’achèvera par l’union des deux pays.

Jeunes cinéastes en devenir, nous avons envie de raconter des personnages qui s'apprivoisent, qui dépassent leurs différences contre toute attente. Le Silence de la Mer fait miroiter la possibilité d’une entente avec l’ennemi, avant que le récit ne prenne une tournure sombre. "Il n'y a pas d'espoir", dit Werner.
S'attaquer à l'adaptation d'une tragédie, c'est aussi exprimer l'angoisse que nous ressentons face aux crises contemporaines. Les journaux titrent "la fin de la démocratie" : qu'en penserait Werner von Ebrennac ?
Le Silence de la Mer a déjà fait l'objet d'adaptations cinématographiques et télévisuelles. On pense naturellement au film de Melville. Loin de nous l'idée de faire mieux mais en tout cas, nous voulons faire les choses différemment.

Le film sera en noir et blanc ; un noir et blanc numérique qui fera ressortir le côté intemporel de l'histoire, qui a touché ses lecteurs en 1941 et nous touche encore aujourd’hui. La texture de l'image sera donc elle-même silencieuse, (contrairement à une image organique et vibrante tournée en pellicule).

Cela redoublera l'importance de la parole, qui elle n'est jamais lisse. La voix-off omniprésente dans le film de Melville est un dispositif intéressant mais le texte nous donne envie de proposer une mise en scène de la parole qui serait moins figée, plus vivante. Dans notre scénario, pas de voix-off. Les sentiments, désirs, déchirements,sont transmis par les regards et les gestes, si bien décrits dans la nouvelle. Le son permettra de souligner tous ces petits détails et de mettre en avant la présence de Werner, dont les pas rythment l'histoire. Cette présence est d'abord oppressante puis familière et confortable.

Le VIIIème préludede Bach constitue la seule musique de la bande-son. Il est joué par Werner et repris par la nièce dans la séquence finale du film, comme un dernier cri. La mer, associée au personnage de la nièce, ne sera audible qu'à la toute fin du film. Le silence en sera plus pesant, étrange et plein. Nous conservons le point de vue de l'oncle, adopté par Vercors. Le spectateur ne sait rien de plus que le personnage du vieil homme.

Mais l'attirance réciproque entre Werner et la nièce, que l'oncle devine, est si forte que l'image est comme contaminée.
On entre par instants dans la subjectivité de la nièce et du soldat. La séparation finale n'en est que plus tragique. Elle doit secouer le spectateur. Le texte est une oeuvre résistante, l'indignation ressentie par le lecteur face au sort de Werner le pousse à agir contre la barbarie. Nous aimerions que le film donne envie de défendre les valeurs de Werner : la tolérance, l'ouverture d'esprit et la culture.