A l’approche de la fermeture de la librairie, l'idée est ici, tant en forme de remerciement qu’en geste de soutien, et pour permettre à la gestionnaire du lieu de passer plus sereinement l’éponge sur une ardoise qui pourrait être un peu trop noircie par quelques chiffres inhérents à la matérialité de la culture (dette fournisseurs, dette bancaire, dette de salaire) de lui témoigner collectivement notre reconnaissance.

De manière plus fondamentale, la raison de ce témoignage tient d'une histoire :

Avec la fermeture de « Chez Meura », ce n’est pas une librairie ordinaire qui ne sera plus.

Lilya en avait fait, certes, un lieu où l’on pouvait se procurer, ou tout simplement zyeuter, toucher, prendre en main qui des livres de littérature, d’histoire, de sociologie, de science politique, de philosophie, d’art (pour ne citer que quelques disciplines), qui des livres d’humour ou sur l’humour, ou d’autres encore subtilement composés autour des saveurs du plaisir et autres « péchés » du désir (et même parfois du désir de la chair, pensez !) et discrètement posés, ici sur un présentoir, ou là sur une étagère.

Cela dit, nous le savons, par-delà l’accueil, c’était un lieu d’écoute, une écoute pour mieux orienter dans le dédale de la production éditoriale, pour conseiller à propos de telle ou telle œuvre littéraire ou telle ou telle publication du domaine artistique ou de SHS, tout autant qu’un lieu de discussion, un lieu de rencontre. Un lieu en somme marqué du sceau du « hors du commun » mais où le « commun » se discutait. Pour le dire en des termes concis, la librairie Meura constituait un véritable « lieu de culture » au sens fort (intellectuel, politique, critique… avec une dose bien mesurée d’épicurisme s’entend) et, vraisemblablement, parfois, dérangeant du terme (ainsi, la porte d’entrée, emblème physique et sonore d’un lieu singulier s’il en est, a subi les affres de graffitis et autres quolibets désobligeants, pour ne pas dire parfois nourris d’une douteuse inspiration à visée d’intimidation, sans oublier la vitrine, à quelques reprises cible d’un geste malveillant).

Le financement servira en priorité à faire face aux derniers frais de fonctionnement de la librairie et à régler les quelques fournisseurs qui ont travaillé si régulièrement avec la librairie toutes ces années et qui n'ont pas encore été payés. Dans l'hypothèse la plus optimiste d'un dépassement de l'objectif, à rembourser l'emprunt bancaire. Et dans un monde exceptionnel, le dépassement permettrait de régler la dette de salaire.