Création d'un buste de George Sand d'après Nadar

Le projet

Lors d'une visite à Nohant, j'ai trouvé que le buste de Chopin " Made in China " était, d'une part bien solitaire et, d'autre part, bien peu crédible; aussi, j'ai décidé de le refaire. Chopin est en cours de réalisation; la documentation fiable est des plus rare en dehors de son masque funéraire. Pour George Sand, c'est vers la suite de photographies éditées par Nadar que je me suis tourné avec bonheur. Ces photos sont bien connues et je n'en signalerai que deux pour la forme:

Dès le départ, j'ai opté pour une figure en petit format, plus facile à emporter et correspondant bien à la tendance actuelle privilégiant les figurines. Je ne possède pas non plus un tempérament visant à élever des statues colossales aux 12 Césars.

Techniquement, j'ai privilégié la filière numérique à un travail purement manuel car mon rythme de vie m'imposait des séances à la durée aléatoire et surtout à des heures imprévisibles. Le numérique permet de travailler n'importe où, n'importe quand et avec une efficacité constante, heureusement! Trois mois ont quand même été nécessaires pour voir l'aboutissement de la sculpture à l'aide d'une tablette graphique et d'un logiciel de modélisation. La sculpture existe donc mais à l'état virtuel seulement; pour sa matérialisation, j'ai besoin d'un coup de pouce pour payer l'impression en 3D du master tête de série, pour ensuite encore acheter le silicone de moulage et le plâtre de synthèse pour les tirages. Il y a 100 noms pour différencier les plâtres de synthèse mais leurs caractéristiques principales demeurent une grande dureté, une précision de détail incomparable, un blanc d'une grande pureté, une densité très forte et une bonne résistance à l'humidité.

Bien entendu, comme tous les artisans, ma préférence va au travail direct dans la matière; cependant, le numérique présente un avantage inégalé: le changement d'échelle à la demande. Le fichier étant virtuel, celui-ci peut être interprété dans toutes les dimensions sans aucune difficulté à l'inverse d'une oeuvre solide qui demande un maximum d'efforts pour modifier la moindre de ses dimensions. Ainsi, s'il me venait l'envie d'effectuer des tirages dans des formats divers, il me suffirait simplement d'imprimer de nouveaux masters adaptés.

Le processus

Parfois à l'aide de la souris, parfois à l'aide de la tablette graphique, je me suis inspiré des photos de Nadar affichées dans un coin de l'écran pour modeler en 3D la sculpture par l'entremise d'un programme dédié. Il faut s'imaginer une boulette de terre virtuelle dans laquelle on pousse, pince, tire, écrase, souligne, gonfle et j'en passe. Si ce n'est l'absence de contact physique, avec la terre virtuelle, l'impact sur les volumes est absolument semblable au travail classique en atelier. On bénéficie d'une vision à 720°. Des avantages se manifestent immédiatement comme le " undo " à répétition au besoin, la qualité constante de la terre ( pas besoin de l'humecter, d'inclure des papillons, de soulever des masses lourdes ), des séances d'1/4 d'heure sont envisageables alors que ce laps de temps serait à peine suffisant pour approcher la matière réelle, etc.

Mon travail s'est étalé sur 3 mois et au final le portrait en 3D ressemble à ceci:

Voici donc 4 rendus, soit 4 captures d'écran tirées du fichier définitif. A partir de là, je compte matérialiser un exemplaire en dur de 12cm de haut ( en incluant un socle de petite taille pour aider à l'assise ). Cet exemplaire me servira de master pour la fabrication d'un moule de tirage en élastomère de silicone.

La méthode retenue pour l'usinage du modèle réel à partir du fichier 3D est l'impression 3D car, à l'opposé du fraisage à commande numérique, l'impression 3D n'est pas gênée par les contre-dépouilles.

Il existe de multiples approches pour imprimer en 3D et je ne vous en citerai que 3: la déposition par filament fondu, le durcissement d'une résine photosensible ( SLA ) et la projection de poudre. Mon choix s'est arrèté sur la dernière, une reconstruction par addition de couches de 65µ sera parfaite.

Voici un exemple d'une création précédente obtenue par cette méthode, ce buste mesure 10cm de haut et c'est le résultat d'un scan direct sur personne:

Genèse

Sculpteur classique mais également numérique, je suis très attiré par le portrait. Ayant vécu quelques années dans le Berry, j'ai été sensibilisé à la passion ( le culte pour certains ) vouée à la personne de George Sand, écrivain et femme célèbre ayant longuement décrit cette région. Paradoxalement, si de nombreux produits estampillés " souvenir " en rapport avec son existence sont disponibles, aucune réalisation sculptée n'est susceptible de réjouir l'aficionado ou le touriste de passage. Il y a bien un grand marbre idéalisé et deux terres cuites exécutées sans grande passion mais rien de fort avec un contenu émotionnel et une esthétique crédibles et sensibles. Pourtant, il existe plusieurs clichés photographiques exécutés par Nadar qui sont des documents de première main permettant de réaliser un portrait fiable; c'est donc la méthode que j'ai suivie: m'appuyer sur les photos d'époque et les traduire en évitant les pièges tendus par le photographe qui avait le coup de gomme facile. N'oublions pas que c'était le siècle des Grands Hommes et que, à l'instar finalement de toutes les époques, le look était primordial.

George Sand

Son oeuvre, sa biographie, ne sont pas l'objet de mon propos et je préfère vous rediriger vers un site généraliste qui vous donnera sans doute l'envie d'aller plus loin: https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Sand

Nadar

Félix Tournachon! Un touche-à-tout de génie: https://fr.wikipedia.org/wiki/Nadar

Il savait flatter ses modèles, soigner sa publicité et retoucher un cliché. Pas de mal à y voir, il parvenait à inculquer de la profondeur et de la grandeur à chacun de ses sujets photographiés. De plus, lorsque l'on compare le même exercice pratiqué par Pierre-Ambroise Richebourg:

Et Nadar:

on constate rapidement qui emportait le marché. Et, au final, on ne s'en plaint pas.

Jean-Baptiste Auguste Clésinger

Le gendre de George Sand avec laquelle ses relations se sont avérées houleuses pour le moins. Malgré cela, en bon praticien il a commis ce marbre à l'allure antique dans lequel sa belle-maman apparaît comme déifiée. Imposant, bien exécuté mais sans grande valeur esthétique. On comprend beaucoup mieux à la vue de cette sculpture qui ne fait que cacher une forêt entière, qu'une réaction salutaire explosive devait voir le jour face à l'Art académique/officiel.

Alors, cette terre qu'il a ensuite traduite en marbre est encore plus explicite quant à ses sentiments:

A Nohant, dans la maison qu'habitait George Sand, on trouve également les deux terres cuites suivantes mais je ne connais pas le nom de leur créateur:

Buste George Sand

Buste George Sand